La vague de l’hydrogène déboule

Camions à pile à combustible

La vague de l’hydrogène déboule

14 avril 2020 agvs-upsa.ch – Jusqu’à 1600 camions Hyundai dotés de piles à combustible sont censés délivrer des solutions de transport durables sur les routes suisses au cours des cinq prochaines années. Auto AG Truck, une entreprise appartenant au groupe Auto AG, est le partenaire officiel suisse de la marque coréenne. À ce titre, elle est responsable des prestations de service et de réparation sur les camions à piles à combustible.

hyundai_artikel_1.jpg


Jusqu’à 1600 camions Xcient Fuel Cell Hyundai à piles à combustible devraient sillonner les routes suisses d’ici 2025.

jas. Une propulsion électrique est surtout indiquée en ville, alors que des véhicules équipés d’un moteur à combustion sont mieux adaptés aux longues distances et aux charges utiles élevées. Des carburants fossiles ne devraient toutefois plus alimenter ces derniers à l’avenir. Des carburants synthétiques, le biogaz ou l’hydrogène fabriqué écologiquement constituent des options valables dans ce domaine dans le but de réduire les émissions de CO2 sur les routes suisses. Adossé à l’association Mobilité H2 Suisse, le constructeur coréen Hyundai souhaite désormais s’y atteler et mettre en service 1600 de ses camions Xcient Fuel Cell à piles à combustible d’ici 2025. Cette initiative devrait stimuler massivement la mobilité à l’hydrogène en Suisse.

Auto AG Truck, une entreprise du groupe Auto AG, prendra en charge ces camions. La nouvelle technologie place néanmoins les responsables face à de nouveaux défis. À titre d’exemple, des travaux de construction ont dû être entrepris sur le site du camion de démonstration où se déroulent de premiers essais en Suisse depuis le mois de février. Deux couloirs sont réservés aux véhicules à piles à combustible dans l’immense atelier du groupe Auto AG à Rothenburg (LU). L’idée de séparer les couloirs du reste de l’atelier par une paroi a été abandonnée. Un nouveau système de ventilation devra toutefois être installé pour tout le bâtiment. Comme l’hydrogène est extrêmement volatil et hautement explosible, il faut s’assurer que la totalité de l’air de l’atelier puisse être renouvelée trois fois par heure. Des détecteurs de gaz doivent également être installés. Lors d’une première phase, les responsables ont utilisé des détecteurs mobiles en étroite collaboration avec la police du feu afin de garantir un niveau de sécurité aussi élevé que possible et d’optimiser continuellement les mesures. Dans une interview exclusive accordée à AUTOINSIDE, Marc Ziegler, CEO du groupe Auto AG, a énoncé les autres répercussions et défis qui découlent des prestations de service et de réparation sur les camions Hyundai à piles à combustible.

hyundai_artikel_2.jpg
Marc Ziegler, CEO et président de la direction du groupe Auto AG.

Comment Auto AG Truck a-t-elle décroché le contrat portant sur ces prestations de service et de réparation des camions à piles à combustible ?
Marc Ziegler, CEO et président de la direction du groupe Auto AG: (rires) Il faudrait poser la question à Hyundai. Ils nous ont choisis, mais nous étions naturellement demandeurs. Le réseau de succursales était un critère déterminant. Les Coréens tenaient à ne mandater qu’un seul partenaire pour tout le pays. Il fallait donc une couverture territoriale aussi large que possible. Bien que nous ayons quelques lacunes dans notre réseau, nous sommes tout de même très bien placés avec nos huit succursales. Il nous faudrait peut-être encore une succursale dans la région de Bâle et une autre en Suisse romande. Dans le cadre de l’accord, nous sommes tenus de trouver des sous-traitants capables de proposer le service que nous ne pouvons offrir du fait de l’insuffisance de notre couverture.
 
Vous n’envisagez donc pas d’étoffer votre propre réseau pour ce projet ?
Nous n’excluons pas d’éventuelles options intéressantes qui pourraient compléter notre réseau. Mais nous ne rachèterons pas d’entreprise sur la seule base du contrat Hyundai. D’autres conditions devraient être réunies pour élargir le réseau d’Auto AG Truck.

Revenons aux critères : pourriez-vous en citer d’autres ?
Outre le réseau de succursales, Hyundai souhaitait absolument travailler avec une entreprise qui ne se concentre pas que sur une marque. Des problèmes pourraient survenir si nous nous occupions soudainement d’une autre marque dans l’après-vente. Nous travaillons déjà avec plusieurs marques, bien qu’Iveco et Fiat fassent assurément partie de nos principaux partenaires. À Weiningen, nous avons aussi des véhicules MAN et notre succursale de Staad est un centre de service DAF. Troisième point central, les Coréens ne voulaient pas que l’atelier se focalise uniquement sur le diesel. Il est clair qu’environ 98 % des camions dont nous nous occupons fonctionnent au gazole, mais nous avons déjà commencé il y a un an à préparer nos établissements pour d’autres formes de propulsion. Chez Auto AG Truck, nous voulons prendre en charge des véhicules basés sur tous les types de propulsion : GNC, GNL, GPL, électrique, hydrogène/pile à combustible. Nous cultivions déjà cette idée et cette stratégie avant la coopération avec Hyundai. Nous comptons d’ores et déjà un grand nombre de spécialistes de la haute tension dans notre entreprise. Enfin, nous vendons depuis l’année dernière le Maxus, un véhicule utilitaire léger purement électrique affichant une autonomie de près de 200 km pour une charge utile maximale de 950 kg. Nous avons déjà pu étoffer notre savoir-faire dans ce domaine grâce au MAN eTGE, une fourgonnette électrique, que nous proposons également.
 
Détails concernant le camion
Le Hyundai Xcient Fuel Cell sera livré à des clients suisses en variante 4×2 pour un poids total tracté de 34 tonnes. Au début, il disposera d’un coffre sec. Le Xcient Fuel Cell prélève l’électricité nécessaire à sa propulsion dans deux piles à combustible de 95 kW similaires à celle qui est installée sur la Nexo, le SUV de la marque coréenne, qui affiche une autonomie WLTP de 666 km. L’hydrogène et l’oxygène de l’air ambiant sont convertis en électricité dans les piles à combustible du camion Hyundai pour le propulser. Le fonctionnement de la pile ne génère aucune émission, seule de la vapeur d’eau étant dégagée. Une batterie de 73,2 kW complète le système du Xcient Fuel Cell. Les 34,5 kg d’hydrogène à bord du camion lui permettent de parcourir environ 400 km en fonction de son utilisation. La charge utile est comparable à celle d’un camion diesel de même taille.

Quels défis recèle la toute nouvelle technologie de la pile à combustible du Xcient ?
Hyundai tenait à ce que le camion utilise de nombreux composants standard. D’une manière générale, rien ne peut être réglé par l’hydraulique. Tout doit se faire par l’électronique et la batterie. Pour l’atelier, une telle approche pourrait se révéler délicate si nous devions intervenir sur la pile à combustible ou sur le circuit d’hydrogène. Il faut aussi respecter des consignes de sécurité totalement inédites, si bien que l’équipement de l’atelier doit être modifié. Nous avons besoin d’un système anti-explosion pour les installations électriques et de détecteurs de gaz. Il nous faut des installations de ventilation spéciales capables de renouveler entièrement l’air de l’atelier au moins trois fois par heure. Concernant la technique anti-incendie, un concept complet de sécurité est requis et nous devrons également nous acquitter de quelques autres obligations.

Vous collaborez certainement de manière étroite avec les autorités...
Bien sûr, mais aussi avec la Suva et avec le TÜV. Cependant, tout n’est pas clairement réglé dans le domaine de la propulsion à l’hydrogène. Il existe quelques prescriptions fragmentées, mais personne ne peut sortir une fiche technique du tiroir et énumérer une liste de choses à faire pour être prêt pour la technologie de la pile à combustible. Quelques discussions sont déjà en cours à ce propos. Nous sommes aussi en contact permanent avec la police du feu. Nous venons d’en découvrir les implications précises pour une entreprise et un atelier. Tout cela est lié à des investissements d’au moins 100 000 francs nécessaires pour chaque établissement que nous voulons préparer à l’avenir à l’hydrogène.

Vous convertissez actuellement Rothenburg en établissement pilote afin d’adapter ultérieurement les connaissances accumulées dans d’autres établissements ?
Les premiers véhicules seront préparés à Rothenburg, d’où ils seront livrés et, en grande partie, pris en charge. La zone d’utilisation est encore quelque peu limitée, car les véhicules doivent être déployés dans les régions disposant déjà de stations-service délivrant de l’hydrogène. La zone devrait rapidement s’agrandir avec l’ouverture de nouvelles stations-service ces prochains mois.

Quelle est la finalité primaire d’un camion à hydrogène ?
Les dix premiers modèles Xcient seront munis d’une structure de coffre destinée à des marchandises sèches. Nous nous sommes adossés à l’association Mobilité H2 Suisse pour cela. À partir du onzième véhicule, nous ne livrerons plus que le châssis et la cabine. Il est ensuite possible d’installer n’importe quelle structure sur le véhicule. La situation décidera de la finalité.

hyundai_artikel_3.jpg
Bientôt, les premiers camions à pile à combustible seront également garés devant le siège du groupe Auto AG à Rothenburg, Lucerne.

Des propriétaires de parc intéressés peuvent-ils vous contacter ?
Non, nous sommes le partenaire d’après-vente. Ils doivent acheter ou louer le véhicule chez Hyundai Hydrogen Mobility SA. Hyundai reste propriétaire du Xcient Fuell Cell et le facture à un prix de location kilomètre qui inclut également une contribution pour l’après-vente. Pendant la première phase, beaucoup de choses sont traitées par l’association Mobilité H2 Suisse dont les membres déploieront ces véhicules. On parle de 1600 camions à l’hydrogène d’ici 2025. C’est un nombre conséquent. Pour atteindre cet objectif, il faut une part de marché de 6 à 9 % dans les immatriculations de véhicules neufs. À un moment donné, les seuls membres de l’association ne suffiront plus pour déployer les camions à l’hydrogène.

Pourriez-vous décrire le calendrier de démarrage puis du ­déploiement d’un grand nombre de camions à piles à combustible sur les routes suisses ?
50 unités sont prévues en 2020. Le démonstrateur est en Suisse depuis le 18 février. Il était d’abord ici, à Rothenburg. Nous avons mis à jour quelques logiciels et procédé à des modifications. Le camion a déjà parcouru ses 200 premiers kilomètres. Nous avons déjà franchi une fois le col du Brünig pour que nous puissions savoir comment le véhicule se comporte en montagne et pas uniquement sur les autoroutes du plateau suisse. Il est actuellement chez le carrossier. Le 17 avril, était prévu avant Coronavirus, pour présenté le camion pour la première fois au grand public dans le cadre de l’inauguration de la première station-service délivrant de l’hydrogène en Suisse orientale, au siège de la société Osterwalder à Saint-Gall.

Combien de vos collaborateurs participent à la phase de test et quelle est l’influence des réactions sur le développement continu en Corée ?
Nous avons une certaine influence et nous réalisons entièrement la phase de test. Nous avons actuellement dans l’entreprise dix chauffeurs Xcient et quatre mécatroniciens qui sont diagnosticiens titulaires d’une certification haute tension. Ils étaient en Corée pendant deux semaines, où ils ont suivi une formation de base sur le camion et la pile à combustible. Ils prendront en charge le Xcient Fuell Cell pendant la phase de test de deux fois douze semaines. Environ 40 ingénieurs venant de Corée seront présents ici ou devraient l’être. Ils en sont empêchés pour le moment à cause des restrictions de déplacement dues au coronavirus. Nous espérons que nous pourrons à nouveau travailler normalement à partir du mois d’avril. Si nous rencontrons des problèmes sur le camion, nous voulons en effet les résoudre avec les Coréens dans notre atelier de Rothenburg. Un spécialiste du centre technique et de développement européen de Hyundai sera également parmi nous.

En tant qu’Auto AG Truck, vous êtes le partenaire national pour ce projet. Un élargissement à l’étranger est-il envisageable ?
Pas pour le moment pour nous. Mais Hyundai Hydrogen Mobility SA et Mobilité H2 Suisse étudient l’opportunité de déployer le projet dans d’autres pays. Je crois qu’il faut examiner le tout pays par pays, car les coûts totaux de détention sont un important facteur de réussite. D’après Hyundai, ces coûts totaux de fonctionnement d’un camion à piles à combustible devraient correspondre à ceux d’un diesel, sachant que la RPLP disparaîtra sur le Xcient Fuell Cell équipé d’une propulsion écologique. Ces coûts de la RPLP pourront être affectés au financement supplémentaire du camion. Cette analyse de rentabilisation ne fonctionnera toutefois pas dans chaque pays en raison de la variété des prix de l’hydrogène et des systèmes fiscaux. Il faut donc évaluer séparément les coûts totaux de détention pays par pays.

hyundai_artikel_4.jpgLe constructeur coréen Hyundai compte sur la propulsion à hydrogène non seulement pour ses voitures particulières mais aussi pour ses camions.

D’où vient l’hydrogène utilisé ?
Il est actuellement produit dans la centrale électrique au fil de l’eau Alpiq de Gösgen. Il s’agit d’un hydrogène 100 % écologique. C’est déterminant pour moi. Il doit être produit avec de l’électricité excédentaire ou écologique, faute de quoi l’écobilan de tout le projet sera remis en cause. L’installation d’électrolyse de 2 MW de Gösgen permet de produire jusqu’à 300 tonnes d’hydrogène vert chaque année, un volume suffisant pour 50 camions ou 1700 voitures. On voit donc bien qu’il faudra augmenter la capacité de production d’hydrogène.

Est-ce que tout cela n’est qu’un projet de test pour le groupe Auto AG ou s’agit-il d’un important nouveau pilier de votre activité ?
C’est un important nouveau pilier. Hyundai est la première marque qui lance en Suisse des véhicules équipés de série d’une pile à combustible. Avec le Nikola Tre, un camion électrique ou à hydrogène, Iveco, notre marque principale, se livre elle aussi à d’intenses recherches dans ce domaine. Je pense que notre savoir-faire en matière d’hydrogène intéressera nos autres marques. Nous jouirons d’une excellente position si nous pouvons affirmer, en tant qu’unique établissement Iveco, que nous avons déjà glané des connaissances de l’hydrogène depuis quelques années, que nos ateliers sont équipés à cet effet et que nos collaborateurs s’y connaissent.

À propos de vos collègues qui s’y connaissent : comment les autres collègues seront-ils formés ?
Ils doivent déjà être titulaires d’une certification haute tension, ce qui fait désormais partie de la formation initiale. Nous nous en félicitons. Nous avons choisi des collègues qui ont suivi une formation complémentaire de diagnosticien. Des connaissances de l’anglais constituaient le troisième critère, naturellement incontournable pour comprendre la formation sur la pile à combustible. En appliquant ces trois critères, il ne reste pas beaucoup de mécatroniciens qui les satisfont. Nos quatre collègues qui sont allés en Corée sont revenus très motivés. Ils ne sauront pas encore tout faire, mais c’est justement la raison d’être de la phase de test sur le démonstrateur de deux fois douze semaines, prévue pour que les ingénieurs coréens puissent transmettre leurs connaissances. Nous souhaitons ensuite concevoir une formation interne en nous appuyant sur ces quatre experts. Ces quatre diagnosticiens travaillent dans des succursales différentes, si bien qu’ils pourront diffuser leur savoir depuis chaque site. 
 
L’association Mobilité H2 Suisse
L’association Mobilité H2 Suisse s’engage en Suisse pour la mise en place d’un réseau de stations-service à hydrogène couvrant l’intégralité du territoire national. Elle a été fondée en mai 2018 par Agrola SA, la Fédération AVIA, Coop, Coop Mineraloel AG, fenaco société coopérative, Migrol SA et la Fédération des coopératives Migros. Par le soutien à cette forme durable de mobilité électrique, les membres apportent une contribution notable à la réalisation des objectifs d’émission de CO2 dans la circulation routière. SOCAR Energy Switzerland Sàrl, Shell, Tamoil, le groupe Emil Frey, mais aussi plusieurs entreprises de transport telles que Galliker Transport & Logistics, Camion-Transport SA, G. Leclerc Transport AG, F. Murpf AG, Christian Cavegn AG, Schöni Transport AG, Gebrüder Weiss AG et Emmi Schweiz AG ont rejoint depuis l’association de promotion de la mobilité à l’hydrogène

 

Restez informé et abonnez-vous à la newsletter UPSA !
S'abonner maintenant


Feld für switchen des Galerietyps
Bildergalerie

Ajouter un commentaire

13 + 1 =
Trouvez la solution de ce problème mathématique simple et saisissez le résultat. Par exemple, pour 1 + 3, saisissez 4.

Commentaires